Subventions identitaires : la droite a franchi la ligne.

Billet

Il est des silences qui en disent long, et des subventions qui parlent plus fort que mille discours.

Le 28 mars 2025, notre Conseil régional a voté, sans débat, presque à la dérobée, l’attribution de 20 000 euros à une initiative baptisée Les Murmures de la Cité. Présentée comme un spectacle patrimonial, elle n’est, en réalité, qu’un jalon dans une entreprise idéologique parfaitement structurée.

Je profite pour revenir ici de manière plus complète, sur un sujet que j’ai déjà abordé en séance lors de la question orale du 28 juin dernier, dans le cadre contraint des deux minutes réglementaires. Ce billet permet d’en dérouler les enjeux, les ramifications et les implications républicaines avec la précision que le format d’une allocution ne permet pas toujours.

Ce projet est porté par Sophia Polis, une association issue du réseau Academia Christiana, bien connu pour ses positions ultra-conservatrices et identitaires. Il est financé par le Fonds du Bien Commun, dirigé par Pierre-Édouard Stérin, entrepreneur revendiquant un exil fiscal, qui affirme vouloir, je cite, « faire de l’argent pour sauver le Christ et la France ».

Ces propos ne sont ni dissimulés ni équivoques. Ils s’accompagnent d’une stratégie bien réelle : investir dans l’éducation, la culture, les médias, pour reconstruire un imaginaire collectif façonné autour de repères religieux, conservateurs, et de moins en moins républicains.

Le spectacle Les Murmures de la Cité n’est pas une œuvre culturelle libre et ouverte. C’est un récit politique. Il ne transmet pas l’Histoire dans sa complexité, il la redessine. Il l’oriente. Il la purifie de ses tensions, de ses épreuves, de ses conquêtes. Une pédagogie symbolique, verticale, au service d’un ordre moral à venir.

Et ce n’est pas un fait isolé. À Moulins, le même réseau monte une école hors contrat, le cours Zita, pour, selon leurs termes, “évangéliser les enfants”. Même structure, même terrain, même objectif : réimplanter une vision religieuse et autoritaire de la société.

Pendant ce temps, la majorité régionale finance. Elle finance Les Murmures de la Cité. Elle a déjà financé des écoles hors contrat à hauteur de 870 000 euros, en contournant les règles, comme l’a documenté la presse. Et dans le même temps, elle coupe ailleurs. Aux associations accusées d’un prétendu “islamo-gauchisme”, souvent sans preuve.

Deux poids, deux mesures.

Ce basculement, je le dénonce depuis plus de dix ans dans cette assemblée.

Déjà en mars 2022, j’avais dénoncé ce que j’appelais le “provincialisme de Pétain sauce Wauquiez”. Cette formule, qui avait provoqué la suspension de séance, n’était pas une provocation gratuite. Elle désignait une réalité : la résurgence d’un imaginaire politique fait d’ordre moral, de folklore identitaire et d’autorité sacralisée, dans un rejet assumé de l’héritage républicain des Lumières.

Et ce vendredi 28 juin 2025, lors de la dernière séance plénière, j’ai de nouveau pris la parole pour interpeller publiquement l’exécutif régional par une question orale solennelle.

J’y ai dénoncé, calmement mais fermement, le financement de Les Murmures de la Cité, ses liens idéologiques, ses visées pédagogiques, et ce qu’il symbolise de dérive.

Car il ne s’agit plus simplement d’un “projet culturel” parmi d’autres. Il s’agit d’un signal. D’un clignement d’œil politique. D’un geste d’allégeance aux réseaux de l’ordre moral et identitaire.

Et cette complaisance n’est pas neutre.

Nous exigeons donc le retrait immédiat de cette subvention.

Car la République ne se confie pas, elle se défend.

Elle ne se raconte pas dans un roman national épuré. Elle vit dans la lutte, la mémoire, la transmission.

Elle ne s’incline pas devant les traditions. Elle s’élève par les principes.

Et nous, élus sincèrement républicains, avons le devoir non seulement de refuser ce glissement, mais de le nommer, de le dénoncer, de rallumer la flamme.

Car dans un monde où tant d’obscurités cherchent à revenir par des chemins culturels détournés, il nous faut, plus que jamais, tenir la lampe haute.

Comme hier. Comme toujours.

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