Le malheur des peuples ne mérite ni calcul, ni costume

Billet

Je veux ici partager un malaise. Un malaise profond, non sur l’intention, mais sur l’instrumentalisation.

L’opération dite humanitaire menée en Méditerranée par Rima Hassan, avec Greta Thunberg à ses côtés, aurait pu être une main tendue, une alerte légitime face à l’indicible qui se déroule à Gaza. Si l’on dissocie le geste de ses protagonistes, alors oui, il y avait là une tentative de dire au monde que deux millions d’êtres humains, femmes, enfants, vieillards, meurent de faim sous nos yeux.

Mais voilà, on ne peut, hélas, détacher le geste de celles et ceux qui le portent. Et ici, ce sont précisément les visages à bord du bateau qui me laissent perplexe. Car derrière l’action humanitaire, se trame un discours trouble, souvent ambigu, parfois insidieux.

Rima Hassan n’est pas simplement engagée. Elle est, à mon sens, engagée dangereusement. Non pas pour dénoncer une guerre, ce serait légitime , mais pour jeter, souvent à mots à peine couverts, le discrédit sur tout un peuple, dans une logique d’amalgame sourde et pernicieuse, opposant juifs et musulmans dans une guerre de religion larvée, oubliant sciemment que des milliers d’Israéliens s’élèvent contre la politique coloniale de leur gouvernement, qu’ils manifestent, s’exposent, résistent, et réclament, eux aussi, la paix, la fin des massacres, et le retour des otages.

Ce n’est pas Israël que je défends, c’est la vérité. Et dans cette vérité, il y a deux peuples, deux souffrances, deux légitimités.

Je suis pour la coexistence de deux États. Je suis pour le droit d’Israël à exister dans ses frontières sûres et reconnues, comme je suis pour le droit du peuple palestinien à vivre libre, dans la dignité et la souveraineté. Je suis sioniste, dans le sens noble du terme, celui d’un peuple trouvant un refuge national après tant de persécutions.

Mais je suis aussi, et tout autant, pour une reconnaissance pleine et entière de l’État de Palestine, libéré des barbelés, des murs et des check-points.

Et je le dis sans détour : ceux qui utilisent l’antisionisme comme paravent de l’antisémitisme ne trompent personne. Certainement pas moi.

L’opération du bateau « Madeline » me gêne donc, non parce qu’elle pointe une tragédie, mais parce qu’elle en détourne le regard pour servir un narratif où la bienveillance humanitaire se confond avec une stratégie électoraliste, où la victimisation devient levier politique.

Derrière Rima Hassan, difficile de ne pas apercevoir l’ombre d’un Jean-Luc Mélenchon dont les silences, les outrances et les calculs relèvent d’un cynisme que je combats. Faire mine de parler au nom des quartiers en s’adressant à eux comme à des masses malléables, ce n’est pas de la politique, c’est du mépris. Et c’est indigne.

Non, la paix ne se construira pas à coups de selfies dans les eaux internationales, ni sous les projecteurs d’un coup médiatique mal inspiré. Elle se construira dans la vérité, dans la reconnaissance réciproque, dans le respect des peuples et dans le courage de dire que Netanyahou n’est pas Israël, que son gouvernement n’est pas le peuple israélien.

Ceux qui, aujourd’hui, martyrisent Gaza au nom d’une guerre sans fin, préparent les vengeances de demain. Et les enfants qui meurent aujourd’hui, hélas, seront ceux dont les frères rêveront demain de rendre coup pour coup.

Ce cycle doit être brisé. Et il ne le sera qu’en refusant les extrêmes, qu’ils soient d’État ou d’opposition.

Il est temps de retrouver une parole claire, ferme et humaine. Ni aveugle, ni complice. Simplement juste.

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