Les zones à faibles émissions (ZFE) sont nées d’une volonté louable : réduire les polluants atmosphériques, protéger les plus fragiles, anticiper des obligations européennes. Mais à vouloir aller vite sans tenir compte des réalités sociales et territoriales, on a abouti à un rejet massif, aux formes parfois populistes, mais portées par des colères bien réelles. Car ce sont d’abord les classes moyennes et populaires qui ont payé le prix d’une mesure mal préparée : celles et ceux qui vivent en périphérie parce qu’ils ne peuvent plus se loger en centre-ville, et qui ont besoin de leur véhicule, souvent ancien, pour travailler, emmener leurs enfants, vivre. À eux, on a dit qu’ils polluaient, sans leur offrir d’alternatives. On leur a parlé de « rétrofit » ou de véhicules propres, sans subventions suffisantes. Et dans le même temps, les transports en commun ne suivent pas : lignes insuffisantes, fréquences trop faibles, zones mal desservies. On a opposé écologie et justice sociale, au lieu de les articuler.
Ce vote de l’Assemblée acte l’échec d’une méthode plus que d’un principe.
La pollution de l’air tue, mais on ne sauvera ni la planète ni la santé publique en creusant les inégalités. Si l’on veut vraiment que les citoyens abandonnent leur voiture, alors il faut que cela devienne possible, concret, désirable. Cela suppose des investissements massifs dans les transports collectifs, des aides réellement accessibles pour changer de véhicule ou transformer l’existant, une volonté politique constante. Ce n’est pas aux ménages modestes de porter seuls le poids de la transition écologique. Ce doit être un effort partagé, soutenu par un État engagé aux côtés des collectivités. À défaut, les discours les plus démagogiques continueront de prospérer, en profitant des renoncements des responsables. À l’approche des élections, il est urgent de rappeler qu’une écologie juste ne se décrète pas depuis les centres-villes. Elle se construit dans la réalité des vies ordinaires, avec sérieux, solidarité et courage politique.