Nommer les faits, c’est aussi résister…

Billet

Voilà maintenant un peu plus de quinze jours, qu’une nouvelle intervention discrète, respectueuse et non dégradante a été menée à l’arrêt Chavant de Grenoble.

Cette version numéro deux, posée avec soin, est en tout point identique dans l’esprit et dans la forme à celle qui m’avait été reprochée la première fois : un collage sobre, précis, et qui n’altère en rien le lieu ni la représentation. Ce geste a pourtant pour seul objectif d’apporter les précisions nécessaires sur le personnage honoré, des éléments désormais incontournables, tant ils éclairent d’un jour nouveau ce que fut réellement son parcours, y compris dans ses zones d’ombre.

Le collage vise uniquement à rappeler les faits désormais établis, afin d’éclairer la mémoire collective avec responsabilité. Il n’a suscité aucune désapprobation depuis sa mise en place, preuve que l’on peut agir dans le respect, sans travestir ni effacer, mais en complétant.

Rappelons que l’Église catholique, informée dès 1955 des comportements criminels d’Henri Grouès, n’a pris aucune mesure significative. En 2024, treize victimes identifiées et trente-trois témoignages ont révélé des faits accablants : viols, agressions sexuelles, abus sur mineurs et femmes en détresse, entre 1970 et 2005. À cela s’ajoutent plusieurs déclarations antisémites : en mai 1941, il saluait « la France renaissante du maréchal Pétain » ; en juillet 1944, il reprenait des stéréotypes antijuifs ; et en 1996 encore, ses propos restaient profondément ambigus.

Nous ne sommes pas des adeptes de la “cancel culture” et ne réclamons pas l’effacement de l’histoire. Mais en mémoire des victimes, le retrait de cette représentation serait un geste fort, digne et conforme aux valeurs que ce lieu prétend incarner. Si les autorités choisissent de la maintenir, alors elles doivent en assumer pleinement la charge : une mention officielle, claire et complète doit être ajoutée pour contextualiser les faits. Car on ne peut honorer la Résistance tout en occultant des vérités aussi graves.

D’autant que depuis quinze jours, cette version corrigée est en place, sans qu’aucune intervention ne soit venue la retirer, preuve qu’elle n’a rien de choquant ni d’outrageant. Désormais rendue publique, si elle venait à disparaître, ce serait le signe manifeste d’une mauvaise foi, et poserait de sérieuses questions sur la volonté réelle de compléter l’histoire dans toute sa vérité. Dans un lieu qui célèbre la Résistance, persister à couvrir un passé aussi lourd serait une forme d’omerta profondément indigne.

Le respect des victimes, de la mémoire collective et de la vérité historique l’exige.

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