Nous avons parfois craqué, souvent résisté.
En tout cas, nous sommes et serons toujours là pour affronter une situation que d’aucun préfère le plus souvent ne pas voir.
Par ailleurs, le Vinci participe aux réunions de structures qui ne parviennent pas à prendre des décisions pour inverser cette spirale qui pousse vers toujours plus de misère des gens qui ont fui un malheur encore plus grand.
N’attendant plus grand-chose de personne, les bénévoles ont souhaité que le texte ci-joint, vous soit communiqué.
Sans se bercer d’illusions, et conscients que l’immobilisme va nous emmener, doucement mais sûrement, vers une déliquescence de l’action, nous devons susciter un sursaut avec les petits moyens qui sont les nôtres.
L’objectif n’est pas NOUS, mais EUX : les exclus des exclus, c'est-à-dire ceux pour qui plus rien n’est proposé, que notre couverture et notre « dialogue café ».
Depuis le début de l’année 2010, l’action du Vinci se trouve modifiée dans ses objectifs initiaux et sa pratique longue et opiniâtre de 20 années d’existence : aller au devant des personnes isolées, victimes d’un parcours de vie accidenté, réduites à la solitude, à l’exclusion et à l’aide des institutions et des associations.
Le Vinci-Codex a acquis une expérience qui s’est transmise, au fil du temps, de bénévoles en bénévoles.
Engagé dans le dispositif mobile connu sous le label « 115 », le Vinci est présent, actif, et participe à une réflexion permanente dont l’objectif est d’améliorer la situation des exclus, voire des « exclus des exclus ».
Aujourd’hui, la même association, comme celles qui parcourent les rues quotidiennement, de jour comme de nuit, se trouve confrontée à une situation hors normes.
Progressivement, et de façon croissante depuis le début de l’année 2010, des familles entières arrivent, misérables, n’ayant d’autre possibilité que de demander de l’aide pour survivre. Dans le même temps, l’Etat met tout en œuvre pour les repousser.
La ville de Grenoble a fait de gros efforts pour intégrer le maximum de personnes dans des hébergements, mais elle a atteint ses limites et le fait savoir.
Chaque nuit, le Vinci, incarné par une équipe de 2 ou 3 bénévoles, tout au plus, parcourt les rues pour aller au devant de ces gens en pleine dérive.
La norme, jusqu’ici, consistait en une vingtaine de rencontres lors de la tournée, à raison d’une, deux, parfois 5 personnes réunies tout au plus, et de dialoguer, autour d’un café ou d’une soupe offerts. Un temps de dialogue et d’attention qui a le pouvoir de maintenir le contact avec la vie pour beaucoup.
Une façon de raccourcir la nuit, toujours vécue comme un temps d’angoisse quand on n’a pas de toit, ni de famille recours.
Depuis près d’une année maintenant, ce sont des familles par dizaines qui se trouvent dans le même contexte, avec des enfants très jeunes dont des nourrissons… !
Les deux ou trois bénévoles se retrouvent donc seuls face à cinquante, voire jusqu’à cent personnes ensemble …
Nous donnons chaque soir ce que nous donnons depuis toujours : du temps, des paroles de réconfort, un café, une soupe, du chocolat aux enfants qui en raffolent car ils n’ont pas dû en boire beaucoup avant d’arriver ici.
En marge de l’action nocturne, nous tentons d’alerter les pouvoirs publics, et la société : qui aurait le courage de dire à ces gens, les yeux dans les yeux, qu’ils doivent repartir là d’où ils viennent ?!
Certainement pas nous (…les yeux dans les yeux …).
Nous avons dépensé des milliers de mots, à travers des mails, des interventions directes, des dialogues de sourds…
Nous ne croyons plus dans la capacité d’action des médias, et autres collectifs. La société pourrait peut-être inverser la tendance si elle était moins incitée à se préoccuper prioritairement du coût de l’essence ou de l’augmentation des tarifs des mobiles.
Des enfants ont faim et font leurs rhinopharyngites en dormant sous des tentes par des températures négatives et avec l’aide de la pluie pour tout arranger.
Le public habituel, hommes solitaires et « perdus » pour la plupart, se sent encore plus abandonné, car il voit pertinemment, certaines nuits plus agitées, que nous passons plus de temps à nous occuper de ces autres drames, où la détresse des enfants attire et accapare plus nos attentions, mettant leurs préoccupations et leurs drames à eux, tout aussi légitimes, au second plan.
Nous ne pouvons plus l’accepter.
Nous n’avons pas de moyens coercitifs (c’est d’ailleurs un mot exécrable).
En revanche, nous ne voulons plus être complices de cet immobilisme coupable de dizaines d’associations et institutions qui sont victimes de leur lourdeur intrinsèque.
La mort dans l’âme, nous pensons cesser de marauder pendant le temps qu’il faudra, certes en signe de protestation, pour faire naitre une prise de conscience qui se transforme rapidement en actes concrets, non pour jeter toute cette pauvreté hors les murs, mais pour montrer à ceux qui en doutent que la bonne volonté et la mise à l’écart de toute autre préoccupation peut aboutir à la mise à l’abri et à l’accompagnement de ces forces vives et jeunes qui ne demandent qu’à vivre de leur travail, et à nos côtés.
Nous nous savons éminemment non indispensables. Nous n’avons pas d’orgueil mal placé, et encore moins d’intérêt financier ou professionnel à faire perdurer.
Nous n’avons que la conviction que nous devons lutter contre l’indifférence.
En ce moment, ce mot s’applique non seulement à ceux qui sont par terre, mais aussi à bon nombre de ceux qui croient avoir tout donné pour les aider.
En conclusion, nous nous passerions bien de nous démarquer à un moment où toutes les structures caritatives devraient s’unir, et vite, pour montrer le pouvoir des simples citoyens dont de nombreux bénévoles.