Nous sommes une association qui œuvre depuis 20 années consécutives, la nuit, dans les rues de l’agglomération, à la recherche de personnes sans domicile à qui nous tentons d’apporter un peu d’écoute...
Ce qui motive cet écrit n’est pas notre action habituelle (elle nous est bien familière), mais celle que nous sommes amenés à accomplir depuis quelque temps : des familles arrivent de l’est, du sud, de pays qui ont le tort de jeter sur les routes, notamment, des parents et leurs enfants. Manifestement, ils fuient la menace d’une mort certaine, ou le dénuement.
Certes, « nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde », certes, vous dites redouter « l’appel d’air » (quoique certains d’entre vous le contestent), mais pouvez-vous un instant vous imaginer, vous, avec femme et enfants (ils ont le plus souvent entre quelques mois et une quinzaine d’années), un misérable sac pour tout bagage ne contenant que quelques papiers, arrivant dans ce vous croyiez être un eldorado, et vous trouvant en situation d’exclusion a priori ? On évalue mal si l’on ne se met « à la place de l’autre ».
Amenés dans notre ville, ne sachant où « on » les conduisait, ne parlant pas notre langue, ils ont tout de même l’espoir d’un minimum de sollicitude : un toit pour mettre leurs enfants à l’abri. Pour le reste du parcours administratif, ils savent que ce sera compliqué, et long, et difficile, voire impossible. Ils sont engagés dans la nécessité de tenir, coûte que coûte.
Ils sont dans la rue, sous un arbre, et subissent la sottise cruelle de jeunes éméchés qui leur volent leur sac et les invectivent (relents racistes et surtout d’ignorance coupable), leur faisant craindre pour leurs enfants. Au point qu’ils se relaient pour veiller toute la nuit. Les plus âgés des « voisins », derrière leurs volets, téléphonent courageusement à la police pour les faire déguerpir.
Nos bénévoles sont mal à l’aise : ils ont donné des tentes pour les mettre à l’abri des regards, ils vont devoir les aider à trouver un autre espace, espérant un voisinage plus tolérant, mais ils savent qu’ils ne feront que « déplacer le problème » si j’ose le dire ainsi.
Une question : pourquoi « ne pas admettre » ces familles, alors que d’autres ont pu bénéficier d’un hébergement dans un temps météorologique plus froid ? Croyez-vous vraiment que ces gens pensent être en vacances ? Croyez vous que ces enfants méritent qu’on regarde ailleurs pour ne pas les voir ? Trouvez-vous normal de laisser ces gens être la proie des idiots qui leur donnent le sentiment que tous les français pensent comme eux ?
Plus d’une dizaine de ces enfants nous regardent, et c’est insoutenable. L’été n’excuse pas tout. La rue est plus dure et plus violente lorsqu’il fait chaud et qu‘on croit, à tort, que c’est moins difficile parce que c’est juillet et que tout le monde est en vacances. Les bénévoles qui sont toutes les nuits sur le terrain peuvent en témoigner.
Nous sollicitons une solution pour ces gens qui sont très polis, gentils, désespérés et fragilisés. Nous ne voudrions pas qu’il leur arrive pire que ce qu’ils ont enduré pour arriver sur l’herbe d’un petit parc périphérique.
Dans le même temps, nous rencontrons une population plus « locale », plus « habituelle », dont nous connaissons assez bien l’état, les comportements, les habitudes. Si l’alcool est toujours bien trop présent, additionné de drogues mystérieuses, le tout mélangé et appelé souvent « tisane », nous constatons, ces derniers temps, des états plus excessifs, voire inquiétants, et une information circule relativement à un produit connu, le Subutex, dont la source d’approvisionnement ne semble faire de doute pour personne.
Cette même clameur a sévi il y a quelque temps, mais s’était estompée ; elle enfle à nouveau…
Nous souhaitons être entendus pour que ne dégénère pas un état de la rue qui, à ce rythme, nous dépassera bientôt.
Les bénévoles du Vinci