L'ultime réflexion sur le sujet

Billet

Nicolas Sarkozy a mené une campagne remarquable et il a su proposer un produit politique attractif.

Le Président élu a remporté, c'est difficile à nier, une victoire idéologique.

La question reste entière :

A t’on voté plus pour une personnalité que pour un dirigeant ?

Je tiens d'ailleurs qu'il a su combiner le conservatisme classique et une forme de néo-conservatisme à la française.

Un produit politique caractérisé par un discours libéral en économie et l'énoncé de valeurs iridescentes ; des éclats de tradition et de progrès.

Il n'est pas si aisé de dire si le discours rencontrera les pratiques politiques, car le libéralisme esquissé pourrait confiner à un dirigisme étatique et un protectionnisme atlantiste. Mais le fait est que la plasticité du verbe a rencontré un électorat engagé et confiant.

Tel n'est pas le sort de Ségolène Royal, semble-t-il.

L'une des raisons, tient à la forme de la révolution idéologique esquissée par la candidate.

Si l'on regarde les choses d'un peu loin se dégage des gros traits. Autant d'approximations, mais une façon comme une autre de commencer une réflexion.

La réponse de la candidate socialiste au produit idéologique de la droite a été d'investir elle aussi le champ des valeurs traditionnelles et de pousser un peu la doctrine socialiste vers la défense de l'entreprise. Mais un peu seulement. On dirait avec peine que le libéralisme a conquis avec elle l'âme du Parti socialiste.

A très gros traits, c'est le chemin pris par une partie des leaders du Parti démocrate des États-Unis.

Avec les différences nationales qui s'imposent : le projet économique des démocrates est nettement plus libéral que celui du Parti socialiste. En revanche, le positionnement sur les valeurs est un décalque subtil des options républicaines.

On ne sait encore si cette option prospèrera ; mais on sait l'Amérique d'aujourd'hui encline à la rigueur morale.

Je ne suis pas sûr que la gauche française doivent suivre le même chemin.

Bien sûr, Nicolas Sarkozy a joué habilement de la référence aux valeurs. Il en a fait un élément de clivage et tenté de s'approprier le terme même de valeurs ou de morale en repoussant ses adversaires dans le camp hypothétique de l'immoralité ou de l'amoralisme.

Ségolène Royal a incontestablement flairé le danger.

Mais sa réponse fut insuffisante.

Epouser les valeurs énoncées par Nicolas Sarkozy permet sans doute de neutraliser le clivage.

Mais l'entreprise se révèle chargée d'embûches. C'est qu'il ne suffit pas d'asseoir une crédibilité personnelle sur cette question.

Il faut encore que l'on prête à la candidate la capacité de l'imposer à son camp.

Et d'ailleurs, Nicolas Sarkozy s'est efforcé d'extraire autant que possible Ségolène Royal de ses troupes : en témoignant fréquemment de son respect pour elle d'un côté ; en multipliant des attaques vives contre la gauche en général.

Par ailleurs, il n'est pas certain que la substance des valeurs morales défendues par le Président élu ne puissent être questionnées.

Ne pas le faire condamne ses adversaires à les adopter. Jouant avec ses règles sur le terrain cultivé par l'adversaire, la victoire est hasardeuse.

Nul ne dira, par exemple, que les délinquants méritent le prix de la citoyenneté.

Mais il est possible adopter une position compréhensive.

On peut ainsi faire valoir que le délinquant appartient à la société et que sa punition participe du paiement d'une dette.

Ce n'est pas exclure la rétribution pénale.

Mais ce n'est pas non plus bouter de la société l'un de ses membres. Bref, c'est une position morale.

L'amoralisme, en l'occurrence, consiste à présenter la peine comme un instrument efficace de relégation, donc de prévention du crime L'immoralité consiste à se cacher derrière la satisfaction des victimes. Comme s'il était de bonne morale que la souffrance de l'autre rémunère sa propre souffrance.

Il est possible, somme toute, d'habiter les "valeurs morales". La gauche, qui fut morale jadis, prêtait alors à la droite un cynisme et une immoralité bourgeoise.

Sans doute la contre-culture de 1968 a-t-elle affadi ce rigorisme. Mais l'erreur fut de confondre la morale universelle avec la moralité du temps ou les bonnes moeurs.

Une confusion que retourne Nicolas Sarkozy avec un succès admirable.

Le Parti socialiste, cependant, préfère proposer en guise de clivage une politique économique désuète.

Il me semble que la gauche gagnerait à mener le combat idéologique sur le terrain des valeurs et sur la façon dont on les habite.

Cela supposerait, il est vrai, que cèdent quelques éléphants en ivoire synthétique véritable.

Elle gagnerait encore à se ranger aux exigences neutres d'une économie efficace.

Ce que, je crois, une bonne partie des français commence à espérer. Y compris à gauche.

C'est peut-être le mérite de François Bayrou que d'avoir mené une lutte morale contre Nicolas Sarkozy tout en adoptant sans trop s'en cacher, une approche économique libérale.

Lutte morale, mais sur le terrain de la morale publique qu'on peut trouvé bien dépeuplé ces derniers temps.

Considérations stratégiques mises à part, le Mouvement démocrate pourrait constituer l'instrument de rénovation de la gauche plus que le Parti socialiste.

A moins que celui-ci se contemple avec moins de complaisance.

Mais l'heure, peut-être n'est pas encore venue.

Cela ne fera que dix-sept ans sans Président de gauche en 2012.

Révélateur ou non d’une notion erronée ou d’une perte flagrante de vitesse idéologique.

L’avenir ne manquera pas de nous le rappeler.

Il est temps maintenant, « de laisser la chance au produit », et de passer à d’autres choses, en visionnant et préparant l’avenir

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