Autant dire que la défaite de Ségolène Royal sera cuisante.
Les raisons d'une défaite sont incertaines et difficile à démêler. Quelle est l'influence des évolutions démographiques ou sociologiques ? Le gauchissement du vote catholique pendant les années 1970 a probablement permis à François Mittérand de l'emporter en 1981. Mais dans quelle mesure ?
A vrai dire, on doit se préparer à des explications empreintes d'arrières-pensées. Surtout au parti socialiste.
Ségolène Royal n'a pas toujours suscité la passion de l'électorat de gauche.
Pour commencer, les erreurs parfois grossières, souvent grossies, qui ont émaillé les discours de la candidate, s'en exhale un parfum d'incompétence. Sans doute cette imputation n'a-t-elle pas découragé ceux qui avaient fait le choix de Ségolène Royal, mais elle a pu faire renâcler les hésitants. Et pour creuser le sillon, une ombre de misogynie a fait luire les doutes.
C'est que nolens volens, «que l’on soit consentant ou pas » , on préfère justifier ses choix par des doutes sur l'intelligence que par des préjugés sur le sexe. Mais l'hypothèse ne doit pas être écartée, car Nicolas Sarkozy a commis son lot d'énormités sans en payer un prix dans l'opinion.
Ensuite, la rage de contrôler tout, alliée à un certain amateurisme et une désorganisation, n'a pas favorisé la confiance des électeurs. C'est qu'une campagne électorale en révèle sur l'exercice du pouvoir. Les élucubrations cacophoniques, les précisions du lendemain, l'efflorescence de propositions provocatrices n'ont sans doute pas séduit qui attend de la politique, dans cette époque fuyante, une ancre fermement plantée.
Sans compter la maîtrise que la candidate semble exercer sur elle-même à tout moment, de l'énoncé des discours à l'expression de la compassion ou de la colère. Cela laisse deviner, peut-être, une insincérité.
Bref, trois mesures d'inaptitude, d'intransigeance, d'opportunisme et quelques gouttes de misogynie composent un cocktail un peu amer. Et si Ségolène Royal a pu attirer certains, elle a dû en faire hésiter beaucoup.
Il en sera pour discuter de la droitisation idéologique et tactique de la candidate socialiste. Et cette campagne, depuis le début, se gagnera à droite.
Le drapeau brandi, jeunesse au régiment, la tentation bayrouiste et j'en oublie.
D'un point de vue idéologique, le forçage du projet socialiste a sans doute désorienté un peu.
Au sein de l'électorat de gauche, sans doute. Mais encore au delà, plutôt. Le produit de la réflexion socialiste, sans doute, avait la texture molle et tremblante de la gelée anglaise. Mais au moins pouvait-on raisonnablement espérer qu'elle ne serait pas suivie. L'indigence a parfois son intérêt.
En revanche, la brutalité de la "mise à jour" de Ségolène Royal a pu laisser croire, c'est selon, à une rupture tacticienne ou à une émancipation adolescente.
Bref, rien qui ne promette autre chose qu'un gouvernement clignotant.
Quant aux récents effleurements du centre, on doit douter de leur efficacité immédiate.
Deuxième brutalité, plus sensible. Peut-être la proposition d'alliance préemptive faite par Michel Rocard aurait-elle permis une hybridation moins infertile.
Car il y avait, dans la précipitation de l'entre-deux tours, une forme d'abandon : Sont-ce les cloches du désespoir qui teintent à vos oreilles ?
Qui veut la contester sur le fond, pressentant de François Bayrou une embrassade vorace, aura beau jeu de contester l'affolement de fin de campagne.
Je prévois donc dès dimanche, par delà l'éloge larmoyant des qualités de la candidate, des appels à "l'unité du Parti socialiste, des injonction de "se retrouver". Et le mot "gauche", on peut le parier, ne sera pas oublié.
J'en ai entendu quelques uns murmurer, ces dernières semaines, que Dominique Strauss-Kahn aurait fait un candidat plus solide.
A dire vrai, je n'en suis pas si sûr. Car le Parti socialiste n'est pur que dans la transparence et l'évanescence désormais. Il reviendra au Parti socialiste de s'interroger à nouveau sur ses rapports avec la Nation.
Que Ségolène Royal ait vaincu au parti socialiste et perde devant l'électorat fera peut-être réfléchir. Voyons d'ailleurs qu'il existe un étrange parallélisme entre le score de Ségolène Royal et celui du référendum interne au Parti socialiste sur le TCE.
Tel que se dessine la défaite, les résultats devant le pays pourraient être également semblables.
On rappellera encore que les infidélités se sont multipliées. Celle de Laurent Fabius et Jean-Luc Mélenchon en 2005. Celles de Michel Rocard, des Gracques, et même d'Eric Besson durant cette campagne.
Et au centre, pontifiera-t-on aujourd'hui.
Le Parti socialiste ne suscite plus guère d'adhésion. Il a pu constituer l'instrument d'une candidature exotique telle que celle de Ségolène Royal, orchestré par main de maître par Nicolas Sarkozy, (je m’en expliquerais plus tard !), mais cela ne signifiait pas nécessairement un engagement militant. Il conviendrait à cet égard de vérifier l'assiduité des "nouveaux inscrits".
Les électeurs de gauche se sont servi de la carcasse molle du Parti socialiste pour conduire une candidature qui les agréait. Leur adhésion juridique est une forme de mépris idéologique.
Bref, c'est une agonie longue qui se prépare. On sait cependant que l'agonie profite aux veilleurs ; la race des gladiateurs n'est surement pas morte, tout politique en est un, et il amuse le public avec ses agonies.
Commentaires
Ca me déprime...
Des cendres renaîtront peut être quelque chose de bon...
Dans une France qui vire à droite toute, quelle place reste-t-il encore pour la gauche ?